mercredi 25 septembre 2013

Les journées du textile à Cotonou : la mondialisation en cause


Affiche des journées du textile de Cotonou du 6 au 9 janvier 2011.
Affiche des journées du textile de Cotonou du 6 au 9 janvier 2011.
DR

Par Didier Samson
Sous le signe de la mondialisation qui menace le pagne africain, la Perle noire, une marque de diffusion du tissu africain a organisé sa 3e édition des Journées du textile à Cotonou du 6 au 9 janvier 2011. Dans les deux premières éditions un accent particulier avait été mis sur le langage des pagnes et des messages qu’ils véhiculent pour ceux qui les portent. Culture, tradition, modernité se mélangent pour donner un art du pagne africain qui vit et se nourrit d’une mode locale vivace. Attention aux sirènes de la mode et des matières venues d’ailleurs. Les Journées du textile ont agité l’épouvantail de la mondialisation.


LES JOURNÉES DU TEXTILE DE COTONOU 2011
Rabiatou Badirou Alli, directrice des Journées du textile.
RFI/Didier Samson
Les Journées du textile à Cotonou au Bénin, du 6 au 9 janvier 2011 ont été l'occasion de célébrer la mode africaine, les créateurs africains et d'évoquer les grandes difficultés de l'industrie du textile en Afrique. Culture, identité, emploi et économie autour du coton africain ont été des thèmes de débat auxquels de nombreux professionnels africains ont pris part. Puis un défilé de mode a été le point d'orgue de ces Journées du textile où les invités rivalisaient aussi d'élégance dans les tenues traditionnelles africaines.

Couturières et tailleurs, ceux qui habillent le peuple, tenanciers d’ateliers aux coins de rue dans les capitales africaines connaissent de graves difficultés. C’est presqu’un euphémisme. Le constat reste permanent et inquiétant pour les professionnels « de la profession ». La crise n’y est pour rien, sinon très peu. « Les effets de la mondialisation sont dévastateurs ». Les organisateurs des Journées du textile de Cotonou l’affirment. Et, une autre observation vient noircir le tableau. Les femmes sont les seules vraies consommatrices de l’industrie du textile africain. Il n’est pas besoin de plus de statistiques pour estimer l’enlisement de cette filière.
Les hommes, « grands sapeurs » devant l’éternel en sont les premiers fossoyeurs. Le costume-cravate, le Jean et autres vêtements occidentaux collent à la peau de l’homme africain. « Il faut inverser la tendance », soutient Rabiatou Badirou Alli, instigatrice des « journées du Textile » au Bénin qui mobilise d’année en année de plus en plus de créateurs africains et autres entrepreneurs dans l’industrie de l’habillement.
Mais, après avoir récité une litanie de « mea culpa », les professionnels africains de l’industrie de l’habillement pointent l’arme fatale, celle qui tue sans état d’âme : la mondialisation. Et là, les différentes prises de conscience et revendications identitaires reprennent des couleurs. Puis derrière cette nébuleuse, on resserre l’étau et les responsabilités apparaissent. On identifie une cible la plus coupable des maux et dans ce jeu c’est souvent la Chine qui l’emporte. Le péril est silencieux et coriace.
En effet est apparu sur le marché africain, le Wax chinois. Les motifs ne souffrent d’aucune approximation, les couleurs sont vives et les prix défient toute concurrence. A ceux qui disent que les tissus viennent de Chine et non d’Afrique, les Chinois rétorquent tranquillement « A ce qu’on sache le Wax africain n’est pas imprimé en Afrique ». Et ils ont raison. Le wax africain est entièrement conçu en Hollande. Le coton part d’Afrique, peigné et filé ailleurs, il revient sur le continent sous forme de pièces de tissus chèrement vendues selon les qualités.
Alors de quoi parlons-nous ?
Transfert de technologie ? Il y a longtemps que les Africains ont renoncé à ce combat. S’engager dans l’industrie de transformation sur place ? Oui, mais le besoin de devises est tel que certaines revendications sont mises en sourdine. Bref, Rabiatou Badirou Alli a lancé le débat à Cotonou sans que personne n’y apporte vraiment une solution tranchée et évidente. Il faut composer ! Les chemins les plus courts pour y parvenir restent encore ceux de la mobilisation pour défendre la qualité et de la persuasion afin de montrer, surtout aux hommes que l’élégance aux couleurs locales n’est pas un vain mot.
Les meilleurs ambassadeurs pour ce travail de fond sont les décideurs, les célébrités et autres vedettes « leaders d’opinions ». Pour convaincre de la force et de la pertinence des discours, les différentes tribunes organisées pendant les Journées du textile, ont affiché un panel d’intervenants aux tenues chatoyantes et qui n’ont pas manqué d’accrocher le regard. Adrienne Diop, de la Commission du Développement humain et du genre de la cédéao (un des soutiens) de l’événement, Ganiou Soglo le ministre de la Culture ont marqué les esprits parce qu’il n’y avait pas de décalage entre leurs paroles et leurs tenues vestimentaires. Les chanteuses Sophie Edia du Bénin et Kamaldine de Guinée étaient aussi dans le ton. Donner l’exemple.
C’est aussi cette motivation qui a poussé les organisateurs des Journées du textile à sortir du cadre très élitiste des stylistes de renom pour demander aux tailleurs et couturières aux petits ateliers de participer à un concours de création. Leurs modèles ont été portés par de grands mannequins pour le défilé de gala. Les trois meilleurs créateurs ont reçu des prix d’encouragement. Le but de l’opération était de valoriser et reconnaitre le travail de maillage et de besogneux qu’abattent ces ouvriers de la mode. Leur travail à la base sert souvent de biscuits indispensables aux stylistes pour que le gâteau fait de crème et de mousse ne s’étale sans consistance.
Bref, les journées du Textile à Cotonou ont encore une fois célébré la mode africaine, les métiers qui l’entourent, sans oublier la part importante qu’occupe l’industrie de l’habillement dans l’économie nationale béninoise. Enfin et toujours le leitmotiv de Rabiatou Badirou Alli : convaincre l’homme africain qu’habillé en tissu aux motifs africains ne fait pas de lui un garçon moins « classe » que le cadre en chemise cintrée au col blanc et en cravate.
Source :http://www.rfi.fr/afrique/20110125-journees-textile-cotonou-mondialisation-cause

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